Futur du travail : attention ça va secouer !
“ L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare.”
— Maurice Blondel
Cher tous,
Depuis plusieurs mois, j’interviens régulièrement en entreprise pour parler futur du travail devant des managers plutôt inquiets voire fébriles. C’est un sujet clé, non pas que nous puissions prédire l’avenir façon boule de cristal ou grandes projections statistiques, mais plutôt pour adopter un regard prospectif qui nous permet d’anticiper, d’innover et de mieux naviguer dans l’incertitude.
Car oui, le monde du travail est en pleine transformation, c’est même – excusez mon langage – un sacré bordel ! Et ce n’est que le début…
Si nous ne voulons pas rester sur le bord de la route, il est essentiel de prendre de la hauteur et d’observer les grandes évolutions à 5, 10, 15, voire 20 ans. Cela implique de regarder non seulement les mutations technologiques, économiques et sociétales, mais aussi d’interroger les valeurs et les choix qui façonneront nos organisations et nos métiers.
Pourquoi adopter un regard prospectif ?
Regarder ses pieds ou avoir le nez dans le guidon en courant peut donner l’illusion d’avancer vite. Mais si nous ne levons pas la tête, nous risquons de foncer droit dans le mur. Nous avons besoin d’un regard large et lointain pour anticiper les changements. Comme le disait Gaston Berger, fondateur de la prospective à la française :
“Il faut voir loin, voir large et voir profond.”
Cela signifie :
• Voir loin pour anticiper plutôt que subir.
• Voir large pour comprendre les interdépendances entre économie, environnement, société et nouvelles technologies.
• Voir profond pour appréhender la complexité du système dans lequel nous évoluons.
Nous vivons la fin d’un paradigme où tout est remis en question. Nous ne sommes pas simplement témoins d’une transformation du travail, mais d’une transformation de notre manière de faire société. Économie, écologie, politiques, gouvernance…
Alors non, nous ne pouvons pas prédire l’avenir.
Mais nous pouvons le préparer.
Bienvenue dans l’ère du chaos !
Nos dirigeants et managers le savent : le monde du travail est devenu chaotique.
Et oui, chers amis, nous avons dépassé l’ère du VICA (Volatilité, Incertitude, Complexité, Ambiguïté) que l’on mentionne depuis plus de 30 ans (il va falloir changer toutes vos présentations qui parle de VUCA !), pour entrer dans le BANI.
Le monde BANI, modélisé par Jamais Cascio, futurologue américain en 2018 est un monde :
– Brittle (fragile et cassant),
– Anxious (anxiogène),
– Nonlinear (non linéaire)
– Incomprehensible (incompréhensible).
Un monde où les anciennes certitudes s’effondrent, où tout change vite, et où il faut apprendre à naviguer dans l’incertitude, sous peine de casser. Car, bien plus que de la volatilité, notre monde, à la poursuite incessante du profit et la volonté de maximiser l’efficacité, est, comme nous, hyper-fragilisé et susceptible de rompre à tout moment.
Et dans ce grand bazar, le travail ne fait pas exception. Il se transforme à une vitesse folle sous l’effet de l’intelligence artificielle, des attentes des nouvelles générations, des urgences écologiques et de la quête de sens.
Alors, comment s’y retrouver ?
Ce monde nous oblige à repenser nos repères. Nous devons apprendre à naviguer dans l’incertitude en nous dotant de nouvelles boussoles.
Je vous partage les 5 grands enjeux, selon moi, auxquels les entreprises devront répondre pour survivre.
1. 
Comment faire de la RSE un levier stratégique ? (et pas juste un joli mot sur la plaquette d’entreprise) ?
On ne parle plus de “petits gestes” mais d’un impératif. Les entreprises qui intègrent réellement la responsabilité sociétale dans leur stratégie attirent mieux les talents, motivent leurs équipes et sont plus résilientes face aux crises. La RSE n’est plus un simple département d’entreprise : c’est un enjeu stratégique. Il ne suffit plus de limiter les impacts négatifs, il faut régénérer nos écosystèmes, qu’ils soient environnementaux ou humains. Les organisations qui ne s’adapteront pas à cette exigence perdront en attractivité et en performance, et resteront sur le bord de la route.
2. 
Comment préserver la santé mentale et la motivation des collaborateurs dans un monde de plus en plus stressant ?
Fatigue, burn-out, perte de sens… Aujourd’hui, un salarié sur deux dit ressentir une détresse psychologique. On ne peut plus faire l’impasse sur ces sujets si on veut des équipes engagées et performantes. Jamais le bien-être au travail n’a été autant menacé. Selon John Clifton, CEO de Gallup, c’est LE grand paradoxe de notre temps : malgré tant d’avancées technologiques et de progrès, nous n’avons jamais enregistré autant de stress, d’anxiété, de souffrance et de désengagement au travail ! C’est tout notre rapport au travail qu’il faut repenser. Aujourd’hui, le CARE devient une nécessité : un travail durable ne peut exister sans une prise en charge sérieuse du bien-être des équipes.
C’est le cœur de mes interventions et de cette newsletter. Si on ne prend pas soin des collaborateurs, c’est l’entreprise elle-même qui s’effondrera.
3. 
Comment mieux manager et valoriser les nouvelles générations ? (sans s’arracher les cheveux) ?
On dit souvent que la Gen Z est compliquée. Mes clients RH et directeurs me confient ne pas les comprendre. Je passe d’ailleurs beaucoup de temps en ce moment à concevoir des formations et ateliers pour accompagner sur ces sujets générationnels . « Alice, je n’arrive pas à les recruter ! Les jeunes Z ne veulent pas bosser !». « Ils se foutent de tout, impossible de les motiver ». « Ils ne respectent pas la hiérarchie et se barrent à 16h !» etc.…. Et si on essayait de sortir des préjugés et de comprendre leurs besoins et surtout leurs moteurs ? Et si, au lieu de les voir comme un “problème”, on les considérait comme une opportunité d’évolution pour nos modes de travail ? Leur rapport au management, à la hiérarchie, au sens et au bien-être redéfinit les codes du travail. Soit on s’y adapte, soit on va se faire mal ! Je vous en parle dans un prochain numéro. La Gen Z débarque avec des attentes bien différentes. Spoiler : ils ne rêvent pas d’une carrière de 30 ans dans la même boîte !
4. 
Comment utiliser au mieux l’intelligence artificielle et la technologie ? (et ne pas se laisser dépasser) ?
Menace ou opportunité ? La technologie est à la fois source d’espoir et de peurs viscérales (perte d’emploi, déshumanisation, inégalités). Alors, les robots vont-ils nous remplacer ? Oui et non. 92 millions d’emplois disparaîtront d’ici 2030… mais 170 millions de nouveaux métiers vont émerger (source : Forum Économique Mondial). L’IA évolue à une vitesse vertigineuse. Plus vite que les cadres juridiques et éthiques qui devraient l’encadrer. Chaque jour, une nouvelle avancée bouleverse notre rapport au travail. Cette révolution technologique sera un défi majeur des prochaines années. Le vrai enjeu n’est donc pas de refuser ou d’accepter l’IA, elle sera là que vous nous le voulions ou non!, mais de l’utiliser intelligemment pour nous concentrer sur ce qui fait notre vraie valeur ajoutée en tant qu’humains : la créativité, la relation et l’intelligence émotionnelle. Un sujet passionnant, dont j’ai hâte de débattre avec vous.
5. 
Comment favoriser l’agilité dans l’organisation et dans les pratiques managériales ? (parce que rigide = cassé)
C’est le point crucial, l’enjeu ultime, LA compétence clé à développer chez chacun si nous voulons survivre dans le chaos ! Dans un monde où tout change en permanence, les entreprises rigides vont exploser en vol. C’est le « brittle » du monde « BANI », cette fragilité des organisations qui manquent de souplesse et qui risquent de rompre dans la tempête. La clé ? Moins de contrôle, plus de confiance (qui passera par la sécurité psychologique), des équipes autonomes et capables de s’adapter rapidement. L’agilité doit se travailler sur 4 axes : individuel, managérial, opérationnel et organisationnel, avec un accompagnement, des méthodes dédiées, de nouvelles formes d’organisation, des formations en communication et en softskills clé et surtout l’implication de tous. L’agilité c’est avant tout un mindset et une culture à déployer. Je vous en reparle bien vite, c’est mon sujet préféré du moment avec ma conférence atelier « L’art de s’adapter dans le changement : agiles comme le roseau !» Oui, je vous y apprend à faire le roseau ! 
Face à un monde en perpétuel mouvement, les entreprises les plus adaptables seront celles qui survivront.
Et maintenant, on fait quoi ?
Je sais c’est dur…mais nous allons devoir FAIRE LE DEUIL 
.
Le monde du travail est en pleine mutation, et soyons honnêtes : ça va rester le bazar un bon moment. La clé, ce n’est pas d’attendre un hypothétique retour à la normale, mais d’apprendre à naviguer dans ce chaos. Comme je le dis à mes élèves de yoga, il va falloir « trouver du confort dans l’inconfort », ajuster sa posture et cultiver sa souplesse pour évoluer dans cet environnement mouvant.
Les managers, en particulier, vont devoir changer de posture : fini le manager “contrôleur”, place au manager facilitateur, mentor, fédérateur et acteur du bien-être au travail. Plus les machines seront performantes dans l’exécution de tâches complexes, plus nous aurons besoin de compétences humaines : écoute, empathie, leadership, capacité à créer du lien et à donner du sens. La formation et notamment les soft skills vont être un des principaux leviers à actionner pour les organisations, les RH joue un rôle éminemment stratégique dans l’accompagnement du changement.
Et comme dans toutes les crises ou mutations profondes, s’il est important d’anticiper les dangers potentiels, il est surtout souhaitable d’y voir les opportunités.
Nous avons besoin, plus que jamais, de penser, de débattre, de confronter les possibles et les idées, de parler de valeurs, d’éthique et de scénarios souhaitables, de lieux de controverse fertiles (ping Institut des Futurs souhaitables). Le changement est l’occasion de repenser ce que nous souhaitons voir advenir, pour nous personnellement, pour notre entreprise mais aussi en tant que société. Et cela, c’est excitant. Acceptant le chaos du monde, l’embrassant, nous pouvons y naviguer (ping Matthieu Dardaillon et son éclairant livre boussole jaune fluo !). Le chaos devient créateur ( ping la géniale nathalie babouraj), il devient une chance, il invite à la joie à travers l’action et l’engagement pour le monde, où l’optimisme de la volonté permet de surmonter le pessimisme de la réalité (ping Gregory Pouy et sa dernière newsletter #hop!)
Je finis donc la phrase de Gaston Berger sur la prospective, cette « philosophie de l’action», qui propose de « voir loin, large, profond » mais surtout, ajoute-t-il :
« De penser à l’homme et prendre des risques. »
Alors, dans ce chaos, pensons à l’homme, à ce qui fait notre humanité, aux valeurs que nous souhaitons incarner au travail, au monde que nous voulons voir advenir, et mettons-nous à l’action avec courage pour défendre notre vision souhaitable du travail, celle, peut-être, qui privilégierait le capital humain, la santé et le soin.
Si l’avenir est incertain, il est entre nos mains. Le futur du travail ne se subit pas, il se construit. Il nous appartient de choisir les valeurs que nous voulons défendre …et d’oser.
Ces cinq enjeux feront l’objet de cinq newsletters dédiées de Culture Care, car il y a tellement à dire sur chaque sujet ! Voici donc notre plan de route pour les prochains mois, pour apprendre ensemble à naviguer dans ce monde du travail en mutation.
Et vous, comment préparez-vous l’avenir ?
À bientôt pour un nouvel épisode de Culture CARE, et d’ici là, restons lucides, engagés et agiles !
Alice
Pour aller plus loin…
RESSOURCES pour vous mieux s’orienter et vivre le chaos
Le livre du mois : Anti-Chaos de Matthieu Dardaillon, le livre boussole pour reprendre la main sur votre avenir ! un excellent ouvrage qui nous donne des clés pour agir dans l’incertitude.
Et un classique « scientifique » sur le chaos : La théorie du chaos – 2008 de James Gleick, toujours aussi passionnant
La newsletter du mois, Hop ! Gregory Pouy (auteur aussi du génial podcast Vlan !) : La joie rebelle : pourquoi sourire en temps de chaos ?
et oui, la joie en temps de chaos n’est-elle pas la plus belle forme d’activisme ? Nous ne parlons pas d’une joie béate, mais une joie de l’action et du sens.
Les personnes à suivre pour vivre le chaos en douceur et profondeur
La philosophie, un phare en temps de chaos, ou l’art de se poser les bonnes questions
Marie Robert, nous rend la philosophie sexy et surtout nous aide à réfléchir sur le monde et notre condition d’être humain, complexe, pensant, sensible. Tous les jours, elle poste sur Instagram un billet d’humeur, une réflexion à la fois profonde et éclairante sur la vie. Chaque jour, c’est un cadeau que l’on déballe avec gourmandise; un « micro-learning » pour nourrir la tête et le coeur 
https://www.philosophyissexy.fr
Alors, on danse
nathalie babouraj elle, « danse avec le chaos », et on adore ! Après son spectacle, c’est bientôt le livre qu’elle nous offre pour nous aider à créer à parti du chaos. Stay tuned …https://www.doclaluna.com
La formation du mois : la LabSession de l’ Institut des Futurs souhaitables
-> https://communaute.futurs-souhaitables.org/page/la-labsession
Futur du travail – À (re)lire aussi :
• Work Disrupted de Jeff Schwartz : sur la transformation du travail à l’ère du digital. A posé les bases de la transformation du travail.
• The Human Edge de Greg Orme : pourquoi les soft skills sont l’avenir du leadership.
Bonnes explorations !!